Pourquoi durcir les dispositions des lois LOM et Climat & Résilience ?
Sur le marché automobile français, les entreprises pèsent pour plus de la moitié des nouvelles immatriculations (selon le législateur). Après trois ou quatre ans, les véhicules sont revendus sur le marché de l’occasion et équiperont ainsi neuf ménage sur dix, toujours selon le constat fait dans la proposition de loi. C’est en partant de ces observations que la décision d’inscrire dans la loi LOM des objectifs de verdissement de flottes avait été prise.
Les dispositions mises en place dans le cadre de cette loi, déjà durcies par la loi Climat, ne prévoyaient pas de sanction ni de mécanisme de contrôle. Or, si les entreprises doivent déclarer depuis septembre 2023 (pour l’année 2022) la part de véhicules propres dans leurs flottes, comme nous vous le rappelions dans cet article, on constate que 66% d’entre elles ne respectent pas l’obligation d’intégrer dans leurs flottes des véhicules à faible émissions. En effet, selon le rapporteur, « la quasi-totalité d’entre elles ignorent l’obligation légale de reporting prévue par la loi ». Cette absence de sanction est l’un des enjeux que souhaite régler la proposition de loi du député Adam.
Cette proposition de loi est justifiée selon ses défenseurs par la typologie des véhicules pouvant aujourd’hui entrer dans les quotas de verdissement qui serait, toujours selon le législateur, incohérente pour véritablement amorcer une dynamique forte dans la transition automobile des entreprises et « injecter » des véhicules électriques sur le marché de l’occasion.
Enfin, la loi LOM avait été pensée pour une trajectoire vers la fin du thermique en 2040 : cette date ayant été avancée par l’Union Européenne à 2035, il pourrait sembler pertinent de se repencher sur le sujet pour définir une trajectoire plus cohérente avec ce nouvel objectif.
Quels sont les changements prévus ?
Mise en place d’un nouveau calendrier
Le calendrier adopté par la loi Climat prévoit 20% de véhicules à faibles émissions en 2024, 40% en 2027 et 70% en 2030. La proposition de loi, si elle venait à être adoptée en l’état, ajouterait des paliers intermédiaires à ce calendrier et viendrait le durcir, en imposant 20% en 2025, 30% en 2026, 40% en 2027, 50% en 2028, 60% en 2029, 70% en 2030, 80% en 2031 et 90% en 2032. Un moyen de s’assurer que les entreprises procèdent à ces changements petit à petit pour sortir du thermique. Néanmoins, cette logique de durcissement ne pourra fonctionner si elle n’est pas accompagnée d’une augmentation importante du nombre d’infrastructures de recharge et une évolution des technologies de véhicules (notamment sur l’autonomie et les temps de recharge) difficile à prévoir avec certitude actuellement.
Des sanctions prévues en cas de non-respect des renouvellements
C’est la grande nouveauté souhaitée dans cette proposition : l’instauration de sanctions dès le 1er janvier 2026 contre les entreprises ne respectant pas les renouvellements. Ces amendes seraient de 2 000 € par véhicule qui ne serait pas à très faible émission dans un renouvellement en 2025, de 4 000 € en 2026 et jusqu’à 5 000 € en 2027. Un amendement, qui devra donc être étudié, prévoit que le montant total des amendes ne pourra pas dépasser « 0,1 % du chiffre d’affaires français hors taxes du dernier exercice clos réalisé.»
L’éco-score, un moyen d’inciter à adopter l’électrique
Pour ne pas seulement pénaliser les entreprises récalcitrantes mais également « récompenser » celles qui choisissent les modèles les plus vertueux, l’instauration d’un éco-score permettra de compter certains véhicules comme 1,2 au lieu de 1 dans le parc automobile, réduisant de fait le nombre de véhicules à renouveler pour rentrer dans les quotas. Les véhicules hybrides rechargeables, une fois de plus, sont exclus de ce dispositif.
Quelle est la suite de cette proposition de loi ?
En raison d’un grand nombre d’amendements à étudier, le texte passé en séance plénière le 30 avril dernier devra être examiné à une autre date, après les élections européennes du 9 juin et certainement à l’automne prochain. S’il est légitime de s’attendre à certains changements sur les propositions faites par le député, nous avons tout de même une idée de la trajectoire voulue et il semble prudent de commencer à les prendre en compte dans l’élaboration de vos futures car policies pour envisager plus sereinement l’avenir.
Une situation si alarmante ?
Si la proposition de loi ne semble pas en tenir compte, on peut cependant s’interroger sur certains constats effectués par le législateur, qui tendent à pointer du doigt un manque d’implication des entreprises. Or, selon l’ONG Climate Group, dans une étude publiée en mars 2024, « Charging the EV Transition », les entreprises représentent 60% des nouvelles immatriculations de voitures électriques sur l’année 2023 dans le monde. Un chiffre qui montre que ces dernières prennent leur responsabilité dans l’adoption de véhicules électriques, peut-être pas à la vitesse attendue par certains députés, mais en tout cas en jouant un rôle moteur dans la mise à la route de ces véhicules.
En tout état de cause, deux questions se poseront si cette loi est adoptée en l’état : est-ce que certaines entreprises ne seront pas tentées de prolonger leurs contrats, prolongeant d’autant l’âge moyen du parc d’occasion avec des véhicules plus polluants ? Est-ce que d’autres ne trouveront pas plutôt plus intéressant de payer les amendes sur des véhicules ne respectant pas la réglementation mais qui répondraient mieux à leur usage ? Dans les deux cas, le durcissement prévu dans la proposition de loi entrainerait un effet finalement contre-productif.
La question qui semble avoir été laissée de côté, mais qui est pourtant cruciale, est de savoir si les entreprises ont la possibilité de s’équiper d’une motorisation électrique plutôt que thermique pour satisfaire l’usage de leurs conducteurs. La complexité résidant dans la capacité à imaginer une solution qui fasse bouger les lignes de la transition écologique tout en étant réaliste et actionnable par les entreprises.